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Faure Gnassingbé : « L’Afrique n’est pas en quête d’assistance, elle est en quête de marges de manœuvre »

 

En ouvrant à Lomé la Conférence de l’Union africaine sur la dette publique, le président du Conseil, Faure Essozimna Gnassingbé, a livré un plaidoyer fort pour une refondation des règles du jeu financier mondial. Il appelle à une doctrine africaine commune sur la dette, fondée sur la souveraineté, la solidarité et la transformation.

Le Togo accueille, du 12 au 14 mai, la Conférence de l’Union africaine sur la dette publique. Un rendez-vous crucial dans un contexte marqué par la vulnérabilité budgétaire de nombreux États africains. En ouvrant les travaux, Faure Gnassingbé, président du Conseil de la Republique Togolaise, a prononcé un discours d’une rare clarté, mêlant diagnostic implacable et appel au sursaut politique continental.

« Cette conférence est sur la dette, bien sûr. Mais c’est surtout une conférence sur notre avenir », a-t-il posé en préambule, appelant à regarder au-delà des chiffres pour aborder les vrais enjeux : souveraineté financière, justice mondiale, et responsabilité partagée.

« La dette africaine est une crise silencieuse »

Faure Gnassingbé ne cache pas la gravité de la situation : « Le surendettement africain n’est plus un risque, il est une réalité quotidienne. » Avec plus de vingt pays en situation de détresse, et 160 milliards de dollars versés au service de la dette en 2024, le continent consacre plus à rembourser qu’à éduquer ou soigner.

Pourtant, insiste-t-il, les efforts de réformes sont là. Gouvernance, transparence, rigueur budgétaire : « Malgré tout cela, nous restons prisonniers d’un système où les règles sont pensées ailleurs. » Il appelle à rompre avec la logique de défiance, pour construire une nouvelle relation fondée sur la confiance.

Vers une doctrine africaine sur la dette

« La viabilité de la dette ne peut être une camisole budgétaire imposée de l’extérieur », affirme le président du Conseil. Il remet en cause les cadres d’analyse actuels, jugés obsolètes, technocratiques et contre-productifs : des modèles qui « pénalisent ceux qui innovent et investissent », et qui « créent une spirale d’austérité préventive ».

Faure Gnassingbé plaide pour une approche plus dynamique, intégrant la rentabilité sociale, la résilience climatique et les effets à long terme. « Nous devons bâtir une nouvelle doctrine, où la dette devient un outil de transformation, pas un fardeau figé. »

Financer la paix, reconnaître les urgences

Le président du Conseil a également dénoncé l’hypocrisie d’un système qui exige la sécurité sans en financer les conditions. « On ne peut pas exiger la paix sans autoriser de la financer », insiste-t-il, en rappelant que les dépenses sécuritaires des États africains, bien que vitales, sont souvent jugées improductives dans les évaluations budgétaires.

« Une dette est-elle soutenable si elle empêche un État d’assurer la sécurité de ses citoyens ? », interroge-t-il, en appelant à reconnaître ces dépenses comme des biens publics globaux. Et si les ressources extérieures manquent, l’Afrique doit pouvoir emprunter de manière responsable mais autonome : « Une dette utile, stratégique, protectrice. »

L’Afrique, victime du dérèglement mais oubliée dans les solutions

Faure Gnassingbé s’en prend aussi à la frilosité des partenaires internationaux, fustigeant un « désengagement préoccupant ». L’exemple de la suppression de la contribution américaine au Fonds africain de développement en est, selon lui, un signal alarmant. Or, « financer l’Afrique aujourd’hui, c’est éviter les crises migratoires, climatiques et géopolitiques de demain ».

Il rappelle que ce soutien n’est ni de la charité, ni de l’aide humanitaire, mais un investissement stratégique dans la stabilité mondiale : « Leur propre avenir dépend de notre stabilité. »

Un agenda africain pour la souveraineté budgétaire

Mais c’est aux Africains eux-mêmes que s’adresse d’abord le message : « L’Afrique a un problème de dette, mais surtout un problème de coordination. » L’endettement géré pays par pays, sans vision collective, mène à l’impasse. Faure Gnassingbé plaide pour une stratégie continentale, portée par des institutions panafricaines renforcées et une voix commune sur la scène internationale.

« L’Afrique n’est pas en quête d’assistance. Elle est en quête de marges de manœuvre », martèle-t-il, en appelant à transformer la conférence de Lomé en point de départ d’un agenda de souveraineté budgétaire, de transformation économique et de justice financière.

« La priorité n’est pas seulement de rembourser, mais d’avancer »

En guise de conclusion, Faure Gnassingbé a formulé un vœu : que Lomé marque un tournant. « Nous avons la jeunesse, les ressources, la vision. Que cette conférence soit un moment de clarté : sur la gravité de la situation, sur nos responsabilités, sur nos leviers d’action. »

Un message fort, porté depuis la capitale togolaise, au nom de tout un continent en quête de liberté budgétaire et de respect.

Gilles OBLASSE

 

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