
Huit ans après avoir repris la Banque Populaire pour l’Épargne et le Crédit (BPEC), SUNU Bank-Togo
fait face à de graves difficultés financières. Cette filiale du groupe SUNU opérant au Togo, est en
proie à d’énormes difficultés. Pour éviter le pire, elle met en œuvre un plan de restructuration
drastique, farouchement contesté par les employés, qui dénoncent une gestion chaotique et
opaque. Ce dernier porte notamment sur la fermeture d’agences, suppression d’emplois et
recapitalisation en urgence. L’avenir de l’institution est au bord de la compromission.
Notre confrère on line Togofirst qui annonce l’événement, indique que le 3 février 2025, la direction
de SUNU Bank Togo a transmis aux représentants syndicaux et à l’inspection du travail une lettre
annonçant un plan de réorganisation sévère. Ce dernier, écrit-il, prévoit notamment la fermeture de
sept agences et cash-points jugés non rentables; une suppression de postes; une fusion d’activités; et
une redistribution des effectifs au sein de la banque.
Origine de la crise
Pour la direction ces mesures sont dictées par un besoin d’optimisation des coûts. Le Syndicat des
employés et cadres des banques, des établissements financiers et des assurances du Togo (Synbank)
qui n’entend pas les choses de cette oreille, rejette en bloc ces arguments. Il attribue la situation à
une mauvaise gestion plutôt qu’à un excès de charges.
Un représentant du Synbank affirme que « Les difficultés de SUNU Bank Togo ne sont pas liées à des
charges excessives, mais plutôt à une gestion hasardeuse et à un manque de stratégie claire ».
Au centre des difficultés auxquelles cet établissement est confronté, figure la rentabilité fragile qu’il
affiche. Là-dessus, les chiffres sont clairs : « le coefficient d’exploitation, indicateur clé du secteur
bancaire, a atteint 90 % entre 2018 et 2023, un taux situé bien au-dessus des standards du secteur
(50-60 %). Entre 2021 et 2022, la situation a empiré : les coûts fixes ont représenté 96 % du produit
net bancaire (PNB) en 2022 contre 98 % en 2021. En 2023, ce coefficient a explosé à 110 %, illustrant
une dégradation continue des performances financières », révèle une source proche du dossier.
Alors que la banque incrimine une masse salariale trop élevée, des pratiques de rémunération
inadaptées, ainsi qu’une politique interne d’avancement et de primes trop généreuse, les syndicats,
fustigent plutôt une mauvaise gestion structurelle et un manque d’anticipation des défis
réglementaires et financiers.
Lorsqu’en décembre 2023, la Commission bancaire de l’UEMOA a doublé le capital social minimum
requis pour les banques, le faisant passer de 10 à 20 milliards FCFA, SUNU Bank s’est retrouvée dans
l’obligation de lancer une augmentation de capital de 11,16 milliards FCFA en décembre 2024,
validée par l’Autorité des marchés financiers de l’UMOA (AMF-UMOA).
Mais, un mois après la clôture de la souscription, cette banque n’a toujours pas communiqué sur les
résultats de cette levée de fonds. Un mutisme qui n’a pas manqué de susciter des spéculations sur sa
capacité réelle à mobiliser des investisseurs et à se conformer aux nouvelles exigences.
A en croire des sources dignes de foi, cette situation s’inscrit dans une série de recapitalisations et de
réductions de capital menées par SUNU depuis 2017. Après avoir injecté 14,3 milliards FCFA lors de
l’acquisition de la BPEC, le groupe a opéré une réduction de capital de 11,4 milliards FCFA en 2019,
suivie d’une nouvelle augmentation de seulement 1,8 milliard FCFA.
Cette politique qualifiée de « coup d’accordéon » a permis à SUNU de renforcer son contrôle sur la
banque, portant sa participation de 65,7 % à 71,64 %.Toutefois, elle a également fragilisé la
structure financière de l’institution, qui éprouve aujourd’hui d’énormes difficultés à retrouver un
équilibre.
Une impasse totale
Au niveau des négociations, la direction brandit l’urgence de la restructuration pour préserver la
survie de la banque, ce que dénoncent les syndicats comme étant une tentative de passage en force.
Ouvertes dès octobre 2024, les discussions ne cessent de piétiner. Une nouvelle rencontre après
expiration du délai réglementaire fixé par la convention collective, a été convoquée par la direction
en janvier sans qu’un compromis soit trouvé. Ayant rejeté les états financiers certifiés transmis par
la direction, qu’il juge incomplets et biaisés, le Synbank exige un audit indépendant des comptes
avant toute restructuration. Estimant le processus irréversible, la direction de SUNU Bank, face à
cette impasse sociale, a opté pour une stratégie de confrontation.
Ce qui, de toute évidence, rend la survie de cette banque incertaine dans un contexte qui, sans cesse
se renforce et marqué par la consolidation du secteur avec l’émergence de nouveaux acteurs comme
Coris Bank.
En cas d’échec de la recapitalisation et de la persistance des tensions sociales, l’avenir sur le marché
togolais, de la banque serait compromis eu égard à la perte de la confiance des investisseurs et des
clients qui s’ensuivront.
Plus que jamais, la nécessité de convaincre les partenaires financiers et de négocier un compromis
avec les employés, s’impose si tant est le désir de cette première banque du groupe SUNU d’éviter le
naufrage définitif qui profile à l’horizon.
Gilles OBLASSE